Will Still : « Il y a un potentiel fou et super intéressant »

Entraîneur principal de l’équipe première du Stade de Reims depuis octobre dernier, Will Still  a vécu une saison dernière quasi-parfaite : un maintien assuré rapidement, une lutte pour les places européennes jusque dans les dernières journées et une série d’invincibilité de 19 matchs historique.
Le technicien belge dresse ici le bilan de son précédent exercice, tout en présentant, avec la franchise qui le caractérise, celui à venir qui débutera officiellement le week-end des 12 et 13 août à Marseille, au Vélodrome.


Des débuts parfaits

Will, la préparation a débuté depuis deux semaines. Comment se déroule-t-elle pour le moment ?

Elle se déroule plutôt bien, lentement mais sûrement je dirais. On a récupéré pas mal d’internationaux qui sont arrivés un peu plus tard, donc on n’a pas eu forcément tout le monde dès le début. Mais là, ça fait une semaine qu’on travaille vraiment tous ensemble et qu’on met un peu de choses en place. Je pense que le premier match contre Eupen n’était pas « ouf » parce qu’on avait beaucoup de jeunes, on avait beaucoup de joueurs qui ne seront pas avec nous sur le reste de la saison. Et puis avec le retour des internationaux mercredi, on a déjà vu un contenu un peu plus correct et un peu plus concret. Donc non, je dirais lentement mais sûrement. Petit à petit, on commence à retrouver une équipe complète, à retrouver des gars un peu plus « fit ». Et forcément, le contenu s’améliore aussi. Donc c’est bien, c’est intéressant, ça nous permet de partir en stage avec une grosse majorité de joueurs qui sont en forme, et on va pouvoir préparer la saison au mieux je pense.

Si, il y a un an, on t’avait dit que tu dirigerais la préparation estivale du Stade de Reims version 2023/2024, l’aurais-tu cru ?

Non, impossible. Impossible, parce que j’étais revenu parce qu’Óscar (García) me l’avait demandé, et aussi parce que j’avais envie de revenir. J’avais terminé le diplôme que je devais avoir à cette époque-là, et je ne devais plus rentrer en Belgique tout le temps, donc je m’étais vraiment bien plu les quelques mois que j’avais été ici. Quand Óscar m’a rappelé, il n’y a même pas eu à réfléchir. C’était « Allez,  go, on y va ! ». J’ai eu des discussions et des conversations très honnêtes et très directes avec les dirigeants, et puis mon retour s’est fait. Mais j’étais revenu dans l’optique de rester dans un club pendant deux, trois ans, et de vraiment me lancer dans la continuité de ce que je voulais faire. Et du coup je ne m’attendais pas du tout à être numéro un au mois d’octobre, et encore moins de l’être six mois plus tard et au final dix mois plus tard presque, pour commencer la nouvelle saison. Comme quoi, on ne sait jamais de quoi demain sera fait ! C’est le charme du monde du foot je pense.

Parce que quand tu reviens, tu es vraiment dans cette optique de rester dans ce rôle de numéro 2 auprès de García ? Tu n’as pas du tout, dans un coin de ta tête, l’ambition d’être numéro 1 ici ?

Je n’y avais jamais pensé, non. Je n’y avais même jamais réfléchi. Ce n’était pas une option : je venais ici, et je venais parce qu’Óscar me l’avait demandé et que le club était content de me retrouver. Et puis non, je n’ai jamais réfléchi plus loin. Dans ma tête, je m’étais dit : « Oui, un jour je veux être numéro un », je ne l’ai jamais caché ! Mais à l’époque, j’avais 29 ans donc je savais aussi que j’avais encore au moins cinq ou six ans devant moi avant de pouvoir passer ce cap-là. Et puis, d’une chose à une autre, du jour au lendemain tu te retrouves un peu catapulté sur le devant de la scène et puis il faut se démerder… C’est ce qu’on a essayé de faire, ça s’est plutôt bien passé par la suite. Mais non, je pense que tu ne t’y attends jamais et ce n’est pas quelque chose que j’avais spécialement voulu non plus à l’époque. Je ne m’étais pas dit : « Ah ouais, il faudrait que ça se passe maintenant, il faudrait que dans les x années je sois là, que je fasse si, etc… ». Je n’avais pas vraiment de plan précis. C’était juste : « Je vais essayer de prendre du plaisir à être numéro 2 et à aider Óscar le mieux possible. »

Adjoint d’Óscar García lors du premier match au Vélodrome, Will Still n’a attendu que dix matchs avant de se voir confier les rênes de l’équipe. (© Stade de Reims)


Donc l’année dernière a dû être riche en émotions pour toi, non ? Passer d’un rôle d’adjoint à celui de numéro 1, prendre en main une équipe qui lutte pour le maintien et réussir à la faire lutter pour l’Europe à quelques journées de la fin, réaliser une série d’invincibilité de 19 matchs sans défaite…

C’était fou, c’était fou. C’était fou. (Il insiste.) Et je me rappelle encore de la conversation que j’ai avec Polo (Pol-Édouard Caillot) et Mathieu (Lacour). C’était : « Will, il faut qu’on sorte de la merde, il faut qu’on sorte du trou dans lequel on est, il faut qu’on prenne un maximum de points avant la Coupe du Monde, il faut qu’on essaie de sortir de la position un peu délicate dans laquelle on s’est retrouvé. Tu as cinq matchs, ne pense pas à ce qui arrivera après, ne pense pas à ce qui pourrait ou ne pas arriver, concentre-toi sur les cinq matchs et c’est tout ».

Donc c’est ce qu’on a essayé de faire et puis on a fini par prendre quelques points. On n’a pas perdu et puis on s’est retrouvé dans une position au classement qui était un peu plus confortable. Mais c’est surtout l’appui et le soutien des joueurs, du staff et du club en entier où tout le monde s’est dit : « Ouais, l’énergie a changé, l’équipe joue différemment, il y a un autre état d’esprit donc pourquoi pas continuer. » Je pense que tout le monde prenait du plaisir, que ce soit les joueurs sur le terrain, le staff à donner des entraînements et à préparer les matchs, et puis les supporters aussi. Je pense qu’ils ont compris ce qu’on voulait essayer de faire, ils ont compris dans quelle direction on voulait aller et ça a plutôt bien marché. Donc de là, on est partis sur une série un peu folle et puis le reste c’est de l’Histoire.

Ce sont donc ces éléments-là, et ce soutien-là, qui t’ont permis de mener à bien ta mission ?

Disons qu’il fallait changer quelque chose… Je ne veux pas critiquer le travail qu’on avait fait avant, parce que ça faisait partie de mon travail aussi, mais on a changé de système, on a changé un peu de point de vue. Au lieu de se dire : « On va essayer de contrer l’adversaire et on va essayer de faire en sorte que l’adversaire ne joue pas », on est plutôt parti d’un point de vue qui était « Jouons, essayons ! Au lieu de tout le temps regarder ailleurs, au lieu de tout le temps regarder ce qui est en face de nous, pourquoi est-ce que, nous, on essaie pas de proposer un truc qui nous plaît, qui nous convient et qui est un peu plus dynamique ? » Et puis, c’est juste créer un environnement où tout le monde a envie d’être. Tu avais l’impression que, parfois, ça en fait chier certains d’être sur le terrain, que ça ne les emballait plus trop de s’entraîner. Donc c’est créer un environnement où tu as envie de jouer, où tu as envie de rester à un haut niveau et de continuer sur une lancée qui était plutôt intéressante. Tu ne changes pas tout du jour au lendemain. Tu changes petit à petit, tu instaures de nouvelles règles, tu mets des nouveaux concepts dans le jeu avec ballon, dans le jeu sans ballon. Mais l’énergie est clé là-dedans je pense.

D’ailleurs, comment expliquer cette série d’invincibilité folle ? Si tu devais résumer en quelques points la recette « Will Still », quels seraient-ils ?

J’ai toujours dit que le foot n’était pas une science exacte. Il n’y a pas une recette miracle, il n’y a pas un truc en particulier que tu peux faire dans un club ou dans un autre et qui marchera à chaque fois. Les gens qui me disent :  « Ouais, mais Pep Guardiola il gagne partout, tout le temps… » Il fait un truc différent à chaque fois ! Personne ne s’attendait à ce que John Stones ne devienne un milieu de terrain. Il révolutionne à chaque fois.

Mais le premier point, quand j’ai repris (l’équipe), c’était : « Déjà, on va essayer de terminer le match à onze ». Après, « On va arrêter de prendre des buts et on va essayer de rester le plus loin possible de notre propre but, parce que ça nous évitera d’être sous pression et de subir vagues après vagues après vagues ». Donc je dirais que ces trois points-là, au début, étaient vraiment clés : arrêtons d’encaisser, arrêtons de prendre des cartons rouges et sortons-nous le cul du but parce que ce n’est pas là que l’on a envie de jouer, ce n’est pas là que l’on a envie de rester. Et je pense que si tu demandes à n’importe quel footballeur où il a envie de jouer sur le terrain, il te dira : « Moi je veux aller là-bas, près du but adverse ». Donc c’est ce qu’on a fait, on a réussi à changer un peu l’état d’esprit dans la tête des mecs. Mais je dirais que ces trois points clés on fait la différence, au début en tout cas.

Et avec du recul, quel serait ton meilleur souvenir au cours de cette série ?

Il y en a plusieurs. Je pense qu’il y a en premier le match ici à domicile contre Rennes où, sans leur manquer de respect, on les a écrasés, on les a étouffés. Le contenu ce jour-là était peut-être l’un des matchs les plus intéressants. Et surtout, l’ambiance qu’il y avait… C’était Delaune sous les projecteurs, il y avait du monde, ça faisait du bruit et à ce moment-là de la saison les supporters avaient vraiment compris ce qu’on voulait faire. Et tu ressentais, dans tout ce que tu faisais, que tu presses, que tu défendes, que tu  attaques : ça vivait. Tout le monde poussait dans la même direction pour arriver à prendre les trois points au final. Donc celui-là sans aucun doute.

Et puis, le match au Parc ça reste assez magique… Et le pire c’est qu’on n’a même pas gagné le match ! Si on avait gagné, j’aurais été au septième ciel. Mais je ne sais pas, le fait d’égaliser dans un match où tu ne méritais pas vraiment d’avoir concédé un but qui était un peu gag, je trouve que ça a montré au monde entier que Reims était capable d’exister, était capable de faire des matchs corrects contre les plus grands et que le contenu de ce qu’on essayait de faire était plus ou moins intéressant.

Et concernant ta plus belle réussite personnelle ? Par exemple, on a souligné à maintes reprises le replacement de Munetsi un cran plus haut, qui était pour le moins inattendu ! (rires)

Je pense que c’est dur d’en prendre un et de se focaliser là-dessus. Il y en a plein…

Thibault de Smet, quand je suis revenu il était vidé. Donc lui, je suis vraiment content qu’on ait réussi à le re-rendre footballeur, parce que ce n’était plus un footballeur pro. Il était au bout, donc ça je suis très très content.

Marshall (Munetsi), pour moi, vu la façon dans laquelle on voulait jouer, c’est-à-dire aller chercher haut, aller presser haut et aller avec de l’intensité dans les seize mètres adverses, c’était une évidence : il est énorme, il va super vite, et si je me mets dans la peau du défenseur central adverse moi je n’ai pas envie d’un Marshall Munetsi qui me court dessus quoi tu vois. Et de par son énergie, de par sa prestance, il est entraînant et il crée une énergie de « Allez les gars, on y va ! ». Et du coup, les autres derrière n’ont pas trop le choix que de se dire : « Marshall y va, on y va ». Et donc, c’était mettre des joueurs clés à des postes clés qui allaient permettre à l’équipe de pousser et de gagner en efficacité. Donc Marshall c’était un vrai plus. Il y a eu le match contre Lille où on a joué dans un système qui… Ce n’était pas vraiment un système. On m’a demandé en conférence de presse après : « Vous avez joué comment ? »
(il fait un bruit de bouche et hausse les épaules)
On a essayé un truc et ça a plutôt bien marché.

Et je crois que le dernier ça doit être Balo’ (Folarin Balogun), parce que quand Balo’ est arrivé ici personne ne le connaissait. Je pense que si on avait demandé à qui que ce soit au monde « Qui est Balo’ ? » « Je ne sais pas, il a été prêté deux, trois fois en Championship anglaise, il n’a pas vraiment joué dans un cadre professionnel à haut niveau. ».
Donc réussir à emmener Balo’ à ce niveau de performance et de régularité, ça en était un sans aucun doute.

Mais il y en a plein, parce que si je prends un Flips… Flips, l’année d’avant, il jouait, il ne jouait pas trois match, et puis il rentrait vingt minutes, et puis il était titulaire il chiait dans la colle, puis il revenait, puis il passait trois matchs sur le banc… Il n’y avait aucune régularité dans ce qu’il faisait. Et là, Alex il a je ne sais pas combien de stats, il a fini à douze ou treize statistiques (douze au total : six buts -dont deux en Coupe de France- et six passes décisives). Pour un mec comme Alexis Flips, c’est important pour lui, c’est bien ! Et c’était bien pour nous aussi. Contre Rennes il joue en 10, contre Nantes à domicile il joue latéral droit,  il a joué excentré gauche je sais pas combien de fois, il a joué faux attaquant à Lens où c’est lui qui met la passe décisive sur le penalty… Le miracle Flips a existé !

Donc non, il y en a vraiment pas mal mais je dirais que ceux-là sont ceux qui ressortent un peu plus.

Au Parc des Princes, le but de Folarin Balogun à la dernière seconde a fait chavirer le coeur des Rémois, y compris celui du coach des Rouge et Blanc. (© Stade de Reims)


La saison à venir

En fin de saison dernière, juste avant les vacances, tu confiais lors d’une interview accordée à France Bleu Champagne que tu aurais beaucoup de mal à décrocher du foot,  parce tu « ne sais pas faire autrement » et que les « vacances pour un entraîneur, ça n’existe pas vraiment ».
Alors, qu’a fait Will Still pendant ses vacances ? A-t-il réussi à décrocher du foot ?

Non pas trop, non… (rires)
Franchement c’est chaud. Déjà, ma famille et le club me disaient : « Will, casse-toi en vacances, il faut que tu partes loin, il faut que tu partes sur une plage ».

C’est des bons conseils pourtant, non ? (rires)

Oui, c’est pas mal mais je n’aime pas trop partir super loin parce qu’au bout de deux jours et demi, je me fais chier comme un rat mort et j’ai l’impression que je perds mon temps. Donc je suis parti une grosse semaine à Punta Cana (en République dominicaine, ndlr), où j’ai essayé de décrocher, où j’ai essayé de profiter du paysage qui est magnifique. Mais ton téléphone n’arrête pas de sonner… Les dirigeants t’appellent pour un transfert, ils te disent : « lui il faut le regarder », « lui il faut l’appeler », « Ito va quand même passer deux jours de plus avec l’équipe nationale, donc quand est-ce qu’il revient ? » Il y a toujours quelque chose à faire ou à discuter. Et puis je suis rentré de Punta Cana, je suis parti voir ma famille en Angleterre, à Manchester puis à Londres. Puis je suis revenu un peu sur Reims et j’ai passé un peu de temps en Belgique avec les potes et la famille. Mais décrocher c’est compliqué parce qu’il y a toujours un truc à faire, il y a toujours quelqu’un qui veut te parler ou quelqu’un qui a besoin de quelque chose… Du coup ça ne s’arrête jamais !

Donc si on comprend bien, les dirigeants te conseillent de partir mais c’est eux qui viennent t’embêter pendant tes vacances…

Non mais ils ont fait de leur mieux je pense, et m’ont réclamé au strict minimum ! (rires)

Ceux qui t’ont réclamé, ce sont aussi les supporters car beaucoup d’entre eux ont craint ton départ lors de cette intersaison. Pour quelles raisons as-tu décider de poursuivre l’aventure en Champagne ?

Elles sont assez simples. Déjà, je voulais rendre quelque chose par rapport à ce que le club m’avait offert ou donné comme possibilités, dans le sens où je savais que ce n’est pas n’importe quel club au monde ou en Europe qui donnerait la chance à un mec de 30 ans en lui disant : « Vas-y, va entraîner en Ligue 1, va prendre le risque de foirer ». Donc rien que pour ça, j’étais reconnaissant et j’avais envie de leur rendre quelque chose. Et puis il y avait le fameux problème des amendes, où le club payait quand même 25 000€ par match, ce qui n’est quand même pas négligeable (ne disposant pas des diplômes requis pour entraîner en Ligue 1, le Stade de Reims payait 25 000€ d’amende par match pour permettre à Will Still de coacher l’équipe, ndlr). Il y a eu des offres, il y a eu des appels, il y a eu des choses qui ont un peu bougées… Mais pour moi, à ce moment-ci de ma carrière, je n’ai pas besoin d’aller franchir ce pas maintenant. En soit, je n’ai absolument rien fait : j’ai entraîné six ou sept mois en Ligue 1, on a fait une série qui est cool mais si tu fais un pas en arrière et que tu regardes le plan un peu plus large, c’est insignifiant par rapport à tous les autres entraîneurs du monde. Et donc je me suis dit : « J’ai envie de rester, j’ai envie de prouver que ce n’était pas juste un miracle ou un phénomène de mode comme certains ont pu dire », et que je peux amener le club de Reims à un niveau qui est respectable et reconnu par d’autres. Et je le dis, dans mon évolution personnelle, je n’étais pas encore prêt à partir, je n’avais pas encore fini ce que j’avais à faire ici. Et j’avais aussi cette forme de reconnaissance par rapport au projet du club, aux supporters, à la ville et à comment je me sens ici. L’herbe n’est pas forcément plus verte ailleurs, comme j’ai pu le découvrir auparavant. Il y avait une certaine logique dans cette décision là (de rester au Stade de Reims).

Le 1er juin, l’information était enfin officielle : Will Still restait au club, accompagné de son nouveau staff. (© Stade de Reims)


Actuellement, tu disposes d’un groupe très large avec l’intégration de jeunes joueurs prometteurs, et le retour des joueurs prêtés. Quels changements l’effectif va-t-il connaître d’ici la reprise du championnat ?

Beaucoup. Beaucoup, beaucoup.  (Il insiste.) Aussi bien au niveau du staff qu’au niveau des joueurs, il y avait un peu le sentiment de fin de cycle. Si je prends l’exemple de Loïc Schwartze, qui était notre kiné, il avait fait une dizaine d’années au club, et il a décidé de partir parce que le moment était venu pour lui de commencer quelque chose de nouveau. Donc on a ramené un nouveau kiné, on a ramené deux nouveaux préparateurs physiques, parce que l’ancien Stade de Reims était en fin de cycle. C’est la sixième année que nous sommes en Ligue 1 maintenant, donc c’est le moment de se dire : « Ok, cette page-là se tourne mais il y en a une autre qui va s’ouvrir et s’écrire ». Et pour les joueurs c’est pareil ! Pour tout joueur, tout entraîneur ou tout membre de staff, arrive le moment où il sait que c’est la fin du voyage, la fin du projet et qu’il est temps d’aller voir autre chose et de faire autre chose. Et je pense qu’il y a pas mal de joueurs dans ce cas-là : si je pense à un Arbër Zeneli, un Kaj Sierhuis, à un Valon (Berisha), à tous les gars comme ça où l’histoire est faite. Tu as fait ce que tu avais à faire et ce n’est pas critiquer, parce que ce qu’ils ont fait est magique. Le club en est là où il est aujourd’hui grâce à ces personnes-là. Mais je le dis, pour le bien de tout le monde, pour le club et pour eux-mêmes aussi : la page se tourne et il y a autre chose à aller faire. C’est comme ça que ça marche dans le monde du foot. Sir Alex Fergusson qui a été à Manchester United pendant vingt ans, chaque année il dégageait ses deux meilleurs joueurs et il refaisait une équipe complète parce que ces deux mecs-là étaient arrivés à la fin de ce qu’il devaient faire au club. Il te faut d’autres idées, d’autres énergies et d’autres possibilités d’exister. C’est ce qu’on a essayé de faire. Et c’est aussi pour ça que j’ai dit en tout début d’interview que la préparation est assez lente mais progressive, parce que ça n’arrive pas comme ça. Il faut mettre certains trucs en place, il faut permettre à ces gens-là de partir dans le bien qu’ils méritent d’avoir.

Aujourd’hui, quelles exigences aurais-tu au niveau des renforts avant de débuter la saison ?

On a eu beaucoup de franches discussions avec les dirigeants en disant : « Écoutez, voilà le plan de jeu qu’on a, voilà l’identité de jeu qu’on aimerait avoir ». Les joueurs qui rentrent doivent coller à ce projet de jeu et à ce plan de jeu. Parce qu’imaginons que tu veuilles aller chercher haut, être proactif, aller de l’avant et que tu transfères un mec qui est plus confortable dans un bloc bas à attendre et à jouer en transition… Ça n’a pas de sens. On va cibler vraiment au mieux possible les mecs qu’on fait rentrer. Et puis au-delà de l’aspect footballistique, il y a le mec aussi. Si tu fais rentrer un gros connard dans le vestiaire, on n’a pas besoin de ça. C’est un peu trouver l’équilibre entre la bonne personne, le bon joueur et le contexte qu’il y a autour et ici à Reims. On avait aussi besoin de personnalités, de savoir-faire et de savoir-être. Et quand je pense à un gars comme Teddy Teuma, comme Ludo’ (Ludovic) Butelle, ça  s’inscrit là-dedans.

L’effectif devra donc être prêt pour le premier match face à Marseille, adversaire contre lequels les souvenirs ne sont pas très bons que ce soit à l’aller ou au retour… Le premier a fait débuter la saison par une lourde défaite, tandis que le second a marqué la fin de cette incroyable série. Ce nouveau match au Vélodrome aura-t-il un goût de revanche ?

Je n’ai aucun sentiment de revanche, j’en n’ai rien à foutre parce qu’on aurait pu perdre contre n’importe qui. Et l’équipe est complètement différente chez eux aussi : il y a un nouvel entraîneur (Marcelino, ndlr), il y aura pas mal de nouveaux joueurs aussi je pense. Ils vont mettre en place une autre manière de jouer. Mais à l’inverse de l’année dernière, encore une fois sans critiquer qui que ce soit, on ne va pas aller au Vélodrome et s’écraser devant Marseille. Si on doit perdre, au moins on perdra en essayant. On doit montrer encore une fois la meilleure image de ce que l’on sait faire, parce que ça ne m’intéresse pas d’aller là-bas, d’attendre et d’essayer de ne pas en prendre un et de se dire que, par miracle si on n’encaisse pas, on est capable de marquer sur une transition ou un coup de pied arrêté, ça j’en n’ai rien à foutre. Ça ne m’intéresse pas et ça n’intéresse pas les joueurs non plus je crois, ni les supporters. On n’a rien à perdre en soit. On va essayer d’aller les emmerder le plus possible, essayer de faire quelque chose. Et je le dis, même si on perd, au moins on essaie de faire quelque chose.

À deux semaines de la reprise du championnat, le plus jeune tacticien de la Ligue 1 est prêt à débuter cette nouvelle saison. (© Stade de Reims)


En fin de saison dernière, notamment face à Lille et à Lens, tu as semblé adapter ton système de jeu à l’adversaire. Pouvons-nous nous attendre à un projet similaire tout au long de la saison, ou vas-tu chercher à mettre en place un nouveau système préférentiel peut-être plus rassurant pour les joueurs ?

Il y aura un mélange des deux je pense. On a fait ça en fin de saison dernière simplement parce qu’on était arrivé un peu à bout de l’énergie qu’on avait. Mais les gens savaient exactement ce qu’on allait faire, et au final les gens s’adaptaient au Stade de Reims. Et tout le monde savait ce qu’on allait faire, donc ils jouaient en bloc bas, ils nous attendaient, ils nous donnaient le ballon. Tu vas à Clermont où tu as 82% de possession de balle, tu prends un but vidéo-gag à la cinquième minute. Pareil contre Strasbourg, qui marque au bout de dix secondes et puis pendant tout le match ils ont fait… (Il mime des longs ballons.) Donc les équipes s’adaptaient à nous, et il y avait un moment où si les gens s’adaptent à toi, tu dois venir avec autre chose, tu dois essayer autre chose tout en gardant un certain cadre parce que les principes mêmes de ce que l’on voulait faire n’ont pas forcément changés. Et peu importe le système que tu as, on voulait aller les chercher, on voulait aller vers l’avant. Et certains matchs ont besoin de ça aussi donc il y aura un plan de jeu qui sera très clair, il y aura une identité de jeu qui sera très claire. Maintenant, l’animation même là-dedans, elle peut varier. Ça peut fonctionner sur certains matchs donc on ne va pas perdre ça de vue non plus.

Pour finir, si tu avais un rêve réaliste et un rêve utopiste quant à la saison à venir, quels seraient-ils ?

Le rêve réaliste c’est d’abord de faire mieux que l’année dernière, de durer sur la longueur et de ne pas avoir un pic de très très bien et de s’effondrer sur la fin. On a envie de bien commencer, de durer mais aussi de bien finir.

Le rêve utopiste, c’est d’aller gratter quelques places au classement et de pourquoi pas faire un beau parcours en coupe. Ce serait cool. Mais on connaît la difficulté de ces deux compétitions-là, donc on va garder les pieds sur Terre. Mais les supporters et la ville de Reims méritent, dans les années à venir, un peu plus parce qu’il y a un potentiel fou et super intéressant.

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